Nathalie.

Elle était un prénom.

Un truc qui t’échappait, que tu glissais dans nos conversations à des heures improbables. Elle était un croche-pattes à nos projets, le feu que l’on cherchait partout, que l’on cherchait des nuits entières pour allumer nos clopes et nos plus grandes illusions. 

Qui sont restées bien vaines et puis. Tu l’invitais à tes lèvres parce qu’elle faisait partie de ta vie depuis six ans quand j’y trouvais une drôle de place depuis six jours. Si elle était ta petite amie, elle devenait ma pire ennemie. J’osais à peine te croire, et quand tu t’approchais de moi pour me parler d’une prochaine vie, de ce truc dans mes yeux, de ta décision pour bientôt, je brandissais mes mains sur mes oreilles comme une enfant haïssant ta réalité parce qu’elle la savait tronquée.

J’ai passé des heures à l’imaginer, en tournant dans mon lit, en serrant le volant de ma bagnole, en courant sous un soleil de con. Plutôt brune, plutôt blonde, est-ce qu’elle me ressemble. 

Et quand tu lui fais l’amour, est-ce que tu l’aimes encore un peu.

Un soir, tu m’avais dit qu’elle était si belle en été. C’était beau ce que tu disais d’elle, plus beau que mon bout de nez tout rouge en plein décembre. Et soudainement, juin me mettait mal à l’aise.

Alors je l’imaginais moche en hiver, plutôt spéciale en été. Des épaules un peu nues, je la voyais sur une photo mal prise, le soleil dans les yeux et des halos de lumière assez grossiers. Une photo pâle, un peu lointaine, l’amour sur papier glacé, dans le parc l’année dernière.

A force d’imaginer cette photo, j’avais mis un visage sur un prénom et un regard sur ma pire ennemie. Je m’étais trouvée moins bien et finalement à peine plus digne.

Je l’ai détestée.

Mais de moins en moins. Au bout du compte, elle avait moins de force pour te retenir que tu n’en avais pour partir. Mais tu t’en foutais, sauf pour m’agripper le menton en me suppliant de t’attendre. Je t’ai laissé dans ton sombre coin penser que tu avais un choix à faire quand je ne voulais plus en être une issue.

J’ai appris quelques années plus tard que tu l’avais quittée. J’ai souri, pourquoi fallait-il que l’on soit en juin.

Et puis, il y a quelques jours, j’ai vu son vrai visage. Il n’y avait pas de soleil, on se pelait les miches sous une nuit d’hiver, on s’est reconnues, un peu. On ne s’est rien dit mais on savait. Bien sûr qu’elle a eu des échos de qui j’étais et qu’elle a dû vomir certains soirs mon prénom comme je décortiquais le sien pour mieux le vendre aux enfers. Vers minuit, on a franchi la ligne des petites appellations hypocoristiques en raccourcissant nos prénoms et on trouvait même qu’ils sonnaient bien après toutes ces années.

Elle m’a demandé du feu. On aurait dit qu’elle n’en avait jamais eu. Tu vois, c’était bien trop facile et bien trop con de l’accuser elle. 

Vers une heure, on a constaté en un fou rire qu’on se ressemblait plutôt pas mal et que c’était peut-être logique, en fait. J’avais envie de lui demander si elle avait une photo d’elle, une photo d’été, le soleil dans les yeux. Si elle habitait près d’un parc et puis j’ai pas osé. Elle ne m’a pas demandé si je préférais l’hiver moi.

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