Je veux retrouver ma vie d’avant, qu’elle m’a dit.

Encore faudrait-il qu’il y ait eu une vie avant, j’ai pensé. Mais j’ai pensé furtivement. J’ai pas voulu.

Tu fais une drôle de tête, a-t-elle poursuivi. Je te dis juste que je voudrais retrouver ma vie d’avant.

Alors je lui ai dit. T’avais pas de vie avant, avant t’attendais l’après. On est l’après, là. Toi, t’es nulle part. T’attends quoi pour ranger ton bordel, laver tes cheveux, prendre le présent contre le prochain mur, serrer les poings jusqu’à le faire causer. Trouve-toi des fourmis dans les pieds, agite le truc. Mais ne me dis pas que c’était mieux avant.

Qu’est-ce qu’il y avait de mieux avant ? Ta vie n’était pas rose. Tu préfères juste être mal au passé. C’est plus facile de revivre ses larmes en souvenirs que de les avoir au coin de la bouche. Les souvenirs te tiennent chaud, c’est tout. Mais cherchent rarement à te tenir tête.

Avant, t’étais entre parenthèse. Tu préparais le bientôt, je te voyais faire.

Je ne veux pas que tu penses à hier, même pas que tu mises sur demain. Tu vas me parler de ciel plus joli et de jaune pour t’habiller au printemps prochain ? Mais habille-toi maintenant. 

Ta vie d’avant, elle était moche, installée dans ses tableaux gris. Ta vie d’avant, tu l’aimais pas, tu pensais à l’avant dernière, aux trois prochaines, mais jamais, jamais tu n’as voulu vivre maintenant. Est-ce que tu sens mes paroles te passer dans les oreilles ? Est-ce que tu vois le jour se lever ? Il essaie de te parler lui aussi.

Prends ton écharpe, prends octobre, prends mon bras si tu veux. Et marchons un peu.