Je t'écris mais je tremble

« J’envoie un e-mail faussement désinterressé le soir même, un e-mail qui sauve tout juste la face, et je me demande combien de temps [il] prendra pour me répondre. Le frisson qui parcourt mes cuisses n’a rien de comparable avec celui de Fairy : à l’époque de mes parents, on disait que le meilleur moment consistait à monter les escaliers. Aujourd’hui c’est quand le serveur transmet les données. »

Maïa Mazaurette, extrait de La coureuse, reçu lors du prix #ecrireaufeminin.

Je n’ai pas forcément trouvé ça vrai, mais je n’ai pas trouvé ça faux.

De ces heures de fille immensément… immensément quoi ? Que tu sois fleur bleue, artichaut du coeur, putain, tombale ou tout ce que tu veux, je crois que peu importe, tu as toujours des frissons dans l’échine lorsque tu envoies LE message.
Ce que toi tu crois être LE message, en fait. Susceptible de changer ta vie parce qu’il n’a qu’un objectif : une réponse sympa, avec des paillettes et des parties de jambe en l’air dedans. Bref, de l’avenir amoureux.
Ce message n’a a priori rien de différent si ce n’est effectivement que tu le travailles, le prépares en brouillon sur ton téléphone et angoisse quant à son trajet et surtout, son trajet retour (comme si t’allais montrer ton cul, quoi).

C’est ça, la nouvelle techno. On est toujours à un poke près.

Tu trembles quand tu lui écris comme tu tremblerais en montant les marches. La trouille qui s’en suit quand tu appuies sur envoyer, parce que le frisson qui te parcourt par anticipation te freine le doigt, te ferme les yeux. Et quand le message disparaît, quand tu le relis mille fois jusqu’à le trouver pourri, ridicule, j’aurais-pas-dû, t’as le cerveau tellement agité, l’angoisse qui te prend le ventre que tu te sens franchir un étage de plus, murmurer j’habite au cinquième.

L’envie que l’homme te surprenne ici-même, contre la rampe, ta rampe imaginaire, celle que t’as dressé en tapotant ton téléphone, en cherchant tes mots et la place de tes points. Bref, la rampe de ta vie, parce qu’à cet instant tu joues toujours ta vie bien moins que tu ne joues l’instant. Ton songe te fait monter, monter, tu n’as pas fini de monter, mais ta presque lucidité te répète qu’une réponse de sa part faciliterait quand même vachement l’ouverture de la porte et le ressort du matelas une fois en haut de la cage.

Alors elle a raison Maïa, quelque part. Le frisson qui te bouffe quand ce message part, tu le connais, c’est un prémisse, une presque histoire, une façon d’aggriper la rampe, qui tourne, qui tourne, de là où tu n’espères que deux choses : qu’il te réponde, et qu’il te réponde bien.

Et si ces deux choses obéissent à tes envies, alors tu peux être sûre que la baise aux pailettes fera partie du jeu, ou pour être plus polie, ou différement polie, tu peux être sûre qu’une réponse de la part de l’homme, c’est un peu comme s’il te chevauchait sur le lit une fois au sommet des escaliers.

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