Elle fait peur aux gens quand elle hurle de rire. Quand elle rit de ses propres hurlements Elle fait peur quand elle entame des chansons vieillies, quand elle pue le mélo, le tabac, les fins de journée, les larmes dissolues.
Elle fait peur aux gens quand elle joue le retrait. Elle fait peur aux gens quand elle joue l’impudeur. Quand elle jouit en pleine journée, que son visage s’illumine et que son regard frôle l’indécence.
Elle fait peur quand elle demande l’heure, quand elle demande du feu, quand elle demande l’impossible.
Quand elle s’illusione.
Quand elle te parle de rêves si grand que personne n’ose y penser.
Elle fait peur quand elle fait rire plus que de raisons, qu’elle remue une tablée ou déconcentre un métro parce que son regard vide assomme la rame.
Elle fait peur quand elle t’explique ses tenants et ses aboutissants. Quand elle relève ses cheveux avec un crayon dans un geste méprisant, quand elle enfile ses chaussures et part en courant parce qu’on lui a parlé d’un bout de rêve prochaine à droite, prochaine à gauche, toujours tout droit.
Elle fait peur quand elle te dit que son monde explosera avant elle. Elle effraie quand elle prétend être fière de sa petite démence. Quand elle brandit sa carte de visite et te dit que c’est pareil. Quand elle te demande de faire avec.
Elle fait peur quand elle se tait. Quand le silence la viole et qu’elle reste là. Elle fait peur quand elle parle trop. Quand elle balance des théories des heures sans point ni virgule.
Quand elle écrit le drame et le bénit parfois. Quand elle songe à en avoir des vertiges.
Quand elle pleure de joie parce qu’elle perçoit de la magie dans les situations les plus communes.
Elle fait peur quand elle tend une main. Elle fait peur quand elle la laisse dans sa poche. Quand elle sourit, quand elle pleure. Quand elle boit, quand elle dort. Quand elle supplie, quand elle jure.
Quand elle extériorise. Quand elle la ferme.
Quand elle prétend avoir peur d’elle-même quand elle marche à contresens.
Elle dérange parce qu’elle préfère l’hiver, les traits fatigués et les vies qu’on secoue.
Elle met mal à l’aise certains soirs. Elle surprend quand elle boit trop de cafés. Quand elle parle du passé comme d’un vieux fou, et te parle du futur comme une folle. Quand elle n’a pas de mesure, qu’elle évite la justesse.
Elle fait peur aux gens qui ne prennent pas le temps de comprendre que derrière une course folle, on s’essouffle parfois. Que derrière un coup de poing sur la table, il y a des doigts fragiles qui peuvent trembler de trop de bonheur ou d’angoisses.
Elle fait peur parce qu’elle affiche le plus sûr et peut prouver le plus faible.
Bref, elle fait flipper et pourtant, quand elle te regarde dans les yeux, si tu ne baisses pas le regard, elle peut te faire décrocher ton plus grand des sourires. Alors tiens-lui tête.